Bruce Springsteen-Darkness on the Edge of Town- Rock & Folk


10 octobre -1978 Rock & Folk par Philippe Garnier

Il est arrivé sur la scène du Forum sans tambour ni trompette, avec un sourire conquérant de jeune loup. Avec son costard de Thrift Store, sa chemise de flanelle à carreaux noirs et blancs et ses Frye boots, sa Fender toute égratignée qu’il porte le plus souvent dans son dos comme un ouvrier porterait sa musette ou sa gamelle, Springsteen avait l’air impossiblement beau et impossiblement jeune (sans sa stupide barbe).

Il nous a abordés comme si c’était à un coin de rue qu’on se rencontrait : “Vous m’avez vu dans le journal ?” il crie comme ça, tout content. Le L.A. Times lui avait consacré toute sa Calendar Section du dimanche, et le Grand Pontife Hilburn en avait tartiné trois pages bien pédantes sur Bruce. Oui, on avait lu. On savait tout sur lui ; on savait que le “boss is back”, comme le clament les T. shirts publicitaires. On savait tout sauf qu’il allait nous tuer comme ça ce soir. Badlands et Tenth Avenue Freeze Out, il va faire ça avec un aplomb absolument sans appel ; on en a les jambes molles tant ce foutu E Street Band joue bien, pompe ce Rock’n'roll dans l’énorme salle comme un gros cœur en surmultipliée. Clarence Clemons est resplendissant dans son costard vermillon ; je vous chie pas : un trois pièces VERMILLON, cinq mètres carrés de tissu pour draper sa grandeur plus que nature. Bruce et lui offrent deux pôles kinétiques tout le long du concert, bien exploités par l’éclairage et le jeu de scène, contraste que dix bouquins sur les rapports du musicien blanc vis-à-vis du noir, du big Spade, ne pourraient même pas approcher. Tennessee Williams, Mezzrow, rien de tout ça n’éclaire autant que de voir ces deux zèbres sur scène. Quand ils restent sur scène ; parce que souvent ils sont dans le public à batifoler, à se rouler dans la foule, à se laisser porter par la mer des paumes qui veulent les toucher (enfin non, personne cherche à porter Clarence Clemons…) Jamais je n’ai vu un type se nourrir autant du public et de ses réactions. Jamais je n’ai vu un type donner et RECEVOIR autant de ses fans. On a l’impression qu’il vient nous trouver pour une recharge. Et lui-même comme dynamo se pose un peu là. Le simple fait qu’il tienne le coup à ce degré d’intensité et à ce rythme-là relève déjà du miracle ; ce type est un putain d’athlète du rock’n'roll. Jamais présence aussi PHYSIQUE n’avait rempli l’espace du Forum de cette façon ; tous les gros veinards qui ont pu voir le concert du Roxy qu’il donna deux jours après peuvent frimer et se rengorger autant qu’ils veulent (il est jaloux !!!) et prétendre que c’était encore plus fabuleux, je maintiens que faire ce qu’il fait au FORUM est plus incroyable et plus exceptionnel ; c’était comme s’il était là dans le living-room ; le degré d’intimité était incroyable ; tous ses apartés portaient. Et les histoires qu’il raconte tiennent plus d’un acteur que d’un simple amuseur. Il est là devant vous, quatre-vingts kilos de chair et d’os et trois tonnes de sincérité, et je défie QUICONQUE de mettre ça en doute ou de rigoler (même le gros malin mal éclairé que j’étais il y a seulement un mois). Quand il fait Greetings From Asbury Park, il annonce : “C’est quelque chose que j’aime bien entendre sur l’album de Greg Kihn.” “I came for you / I came for you…” qu’il chante, et on n’en doute pas une seule minute.
Springsteen chante cent fois mieux que sur ses disques ; plus de borborygmes constipés et incompréhensibles ; PLUS BESOIN DES PAROLES. Et quand il joue de la guitare, alors là c’est l’extase ; comme son solo lame de rasoir au milieu de “Promised Land”.
Aux deux extrémités de la scène, il y a les deux ingrédients magiques du rock and roll de Springsteen, l’orgue et le piano. L’organiste est une espèce de phoque hirsute qui ressemble au fantôme de Brooker (je cherche Ducray sous le piano, il n’y est pas, tant pis), les deux bonshommes et leurs acolytes font tous les bons bruits au bon moment, tout ce qu’on veut entendre, anticipant nos moindres désirs

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. C’est fou, et c’est assez effrayant quand on y réfléchit. Mais on n’y réfléchit pas, pensez bien. Le voilà qui présente une autre chanson, qu’il parle de sa petite sœur et de Buddy Holly ; sa petite sœur a déjà ramassé trois contredanses pour excès de vitesse, et elle conduit depuis deux mois seulement ! Et c’est évidemment “Racing In The Streets”. Et je regarde autour de moi, et je vois tous ces mecs de L.A., tous ces “hot-rod angels” et ces “shut down strangers” (beaucoup de chicanos dans le tas, d’ailleurs), et je me dis que s’il y a un coin où ils savent ce que peut faire “69 Chevy with a 396, Fuelie heads and a Hurst on the floor”, c’est bien à L.A.(moi je n’en ai pas la moindre idée, sauf que je suppose que ça arrache un bout d’asphalte, mais j’aime bien la façon dont ça sonne…). Et le Forum c’est rien, attendez San Diego ! Là-bas, ils en connaissent un rayon, question bagnoles…
Clarence Clemons est à genoux dans les premiers rangs en plein milieu de “Thunder Road”, et il souffle un solo qui vient de si loin et qui en même temps est si physique, la tripe, vraiment, que ça en devient inquiétant ; on pense brièvement à Dylan et son ringard de saxo de balloche, mais on referme vite la parenthèse parce que Clarence se lève à présent, cent trente kilos de musique humaine, et Bruce vient buter dans la montagne et fait sonner ses cordes de Telecaster tellement fort qu’il en pètera trois avant la fin du concert.

“VOUS ÊTES PRETS POUR LE DEUXIEME ROUND ?” hurle Springsteen après s’être arrêté seulement quinze minutes à l’entracte. Et comment qu’on est prêt. Mais quand même pas pour ce qui va suivre. La place et les forces manquent pour décrire le délire qui vous prend alors que l’autre flippé vous allonge “Adam Raised A Cain”, “The Night Brigade”, “Streets Of Fire” et tout ça. Un des plus grands moments, c’est quand il fait “Fire”, qui est je crois une des vingt chansons enregistrées pour “Darkness” et qui verra peut-être le jour plus tard (“Y’aura sans doute un pirate sous peu”, plaisantera t-il avec nous à San Diego). “Fire” est une chanson quasi rockabilly ; Springsteen prend des poses archétypales ; de loin c’est Cochran, ses jambes en X et ses allures de désossé ; des fois il rappelle l’intensité possédée d’un Kevin Coyne. “She’s The One” est l’occasion pour lui et le groupe de se lancer dans une pyrotechnie effarante ; ça commence sur un jungle-beat genre “Mona”, un Bo Diddley beat estampillé, martelé jusqu’aux deuxièmes phalanges. A San Diego, Bruce se laissera aller et divaguera dans un “Not Fade Away” absolument magique. (Après le concert, aux journalistes : “C’est la première fois qu’on fait “Not Fade Away”, mais, bon, je suis allé voir The Buddy Holly Story trois fois de suite. Et puis Gary Bussey est dans la salle.” Bussey était dans notre bus aussi, de retour d’une tournée avec Willy Nelson. Il a joué avec Bruce dans sa chambre d’hôtel et dans un club de la côte, et c’est le grand amour entre ce fils de l’Oklahoma et le Grand Rital. Sur scène, Springsteen raconte comment le film l’a aidé à percevoir Holly : “Je m’étais jamais imaginé Buddy Holly en train de bouger ; pour moi, il était toujours comme ça, à partir de la taille.” Et il prend une pose figée.
Il fait trois ou quatre rappels, selon les soirs. Au Forum, il chante une chanson tout seul au piano (“The Promise”?) puis “Born To Run”, un triomphe. Quand il revient encore, il fait ce qui ironiquement est son plus grand hit à ce jour, “Because The Night”, et ensuite il se lance dans ce qui est peut-être le meilleur moment de la soirée (sauf que ça veut dire que c’est – quand même – la fin), une version carrément ébouriffée de “Quarter To Three”, le vieux hit de Gary U.S. Bonds. Il nous fait chanter a capella comme si on était à un coin de rue, il nous fait twister, la bière monte et descend des pieds à la tête, on est sur les fauteuils à danser, à tomber les uns sur les autres, et à la fin Springsteen hurle : “I’m just a prisonner of rock’n'roll !” Ce qui dans la bouche de n’importe qui d’autre sonnerait un peu cul, mais lui il peut assumer, il l’a prouvé, toute la nuit. Il termine sur une civière, ranimé par Clarence. Jive, jive, tout ça, mais on adore tous ça, il y a longtemps qu’on ne compte plus les coups. K.O. technique.

A San Diego la salle est deux fois plus petite, mais l’impression est la même ; le son est bien moins bon, la foule est cinglée, les mômes se lancent à l’assaut de la scène, mais en rigolant, pas méchamment. Et Bruce veille au grain ; à un moment il plonge dans la foule pour séparer un videur et un excité ; il fait passer l’excité dans les coulisses pour lui éviter des ennuis ; tout ça très cool, sans démagogie, sans pour cela se mettre les videurs à dos. Mais quand il prend son bain de foule au cours de “All Night”, un des videurs comprend plus et court après en lui gueulant : “Eh, vous, revenez sur la scène !!!” Springsteen raconte ça après tout à fait ravi. Tout comme après le premier pétard il dit tranquillement : “Eh, c’est MA soirée, je veux que personne soit blessé. Pas de pétards.” Il dit ça posément, mais personne ne bronche, et les excités de la poudre à canon rentrent leur arsenal. Springsteen : “Moi je joue tous les soirs ; des fois je suis fatigué, des fois ça tourne mal ; mais ça devrait jamais. Le type qui achète un billet, c’est SA soirée ; le billet est cher, c’est beaucoup d’argent. Alors je veux faire en sorte que le type ait un endroit où s’asseoir, qu’il ne se fasse pas taper sur la gueule et qu’il ne se fasse pas défigurer par un pétard.” L’entrevue avec l’homme se passe – de façon assez appropriée – dans un vestiaire, sous une lumière de commissariat de police. Bruce s’amène dans un autre costard étriqué avec les biceps qui bougent en dessous. Maintenant je comprends pourquoi les filles le trouvent sexy. Il a vraiment tout, Al Pacino, De Niro, Brando… James Dean. Tous des gens qu’il admire, d’ailleurs. “Comme tout le monde” ajoute-t-il. Il s’amène avec  l’Est d’Eden de Steinbeck sous le bras. On lui demande s’il a un peu adapté son show à la foule de ce soir.

“On a jamais joué San Diego. Mais on y retournera ! Les gens étaient, uh, DINGUES ! Dans ces cas-là je fais un peu gaffe à ce que je fais ou à ce que je dis, pour rien provoquer d’incontrôlable. Je veux pas que quelqu’un se fasse mal à un de mes concerts. Mais, wow, d’habitude les gens essaient de grimper sur scène et je leur dis : “Bravo, t’as gagné, maintenant pose-toi là et écoute”. Et c’est généralement ce qu’ils font ! Mais en Californie, ce coup-là… L’autre soir, ces trois TRES JEUNES filles se précipitent sur moi pour m’embrasser… et… je… moi je trouve ça sympa… Mais là j’ai cette fille qui a à peine quinze ans sur moi et j’ai sa langue dans la bouche et elle la fourre aussi loin qu’elle pourra jamais aller… hum… J’étais un peu… ESTOMAQUE.”

Holly, c’est une influence importante ?

“J’étais trop jeune pour connaître la première vague, tout ce rockabilly qui est ce que j’écoute maintenant le plus. Moi, c’était plutôt les Stones, Tamla, Stax, Dylan… C’est après que j’ai remonté le courant. Mais je me souviens de la fois où j’ai vu Elvis sur l’Ed Sullivan Show ; ma mère regardait la télé dans la cuisine, et j’ai vu ça. Ça m’a donné envie de PORTER une guitare. Pas encore d’en jouer, mais d’en avoir une.”

Vous faites deux-trois accords à la Duane Eddy aussi dans le show…

“Ouais, Duane Eddy et Dick Dale… Mais sur la côte Est on trouve pas facilement les disques… surtout des compilations de disques instrumentaux, surf et tout ça… Le truc de Duane Eddy, c’est la musique du film “Because They’re Young”. Et Dion aussi. Dion était super. Steve (Miami Steve Van Zandt, le guitariste) a travaillé avec son groupe. Dion était toujours bon. Il avait un sax magnifique. Il avait tout.”

Contrairement à ce que nous laissaient entendre les avertissement des gens du service de publicité, il parle volontiers de son procès avec Mike Appel. Il prend un air songeur, comme quand on ouvre une vieille blessure devenue presque chère.

“Mike et moi on était très proche l’un de l’autre, très amis. On faisait des rêves ensemble ; moi j’allais être Elvis, et lui le Colonel. Seulement voilà, il était pas le colonel et moi j’étais pas Elvis. Ça a commencé à craquer quand j’ai voulu avoir un peu de contrôle sur ma vie ; mais je vais pas vous dire que c’était pas aussi à propos d’argent.” (sourire de loup).

S’il a effectivement enregistré près de trente nouvelles chansons, pourquoi ne pas avoir sorti un double-album ? Et un en public ?

“J’ai pensé que les chansons de Darkness suffisaient. Elles ont plus d’impact que noyées au milieu d’un double-album. Quant au disque live, il y en aura sans doute un, un jour. En attendant, ça fait le bonheur des bootleggers. Non, ça ne me gène pas du tout ; je ne crois pas que les gens qui sortent les pirates se fassent beaucoup d’argent. Ce sont surtout des fans un peu trop zélés ; il y en a qui m’écrivent pour m’expliquer : “Eh, Bruce, on pouvait pas faire autrement…” (rires)

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